lundi 5 septembre 2011
un nouveau monde
La planète TERRA II était occupée depuis maintenant plus de 2000 ans.
Les terriens avaient été envoyés sur ce qui était en réalité un astéroïde artificiel géant lorsque la vie sur terre était devenue impossible.
Celle qu'on appelait jadis la planète bleue n'était plus qu'un amas de cendres, de terres stériles, de sols déchirés. L'air y était vicié à l'excès, plus rien de poussait, plus d'eau, plus de végétation.
Plus rien.
Une seconde chance avait été donnée aux habitants de cette planète par les scientifiques.
La construction de l'astéroïde TERRA II avait pris énormément de temps et il en fallut encore plus pour le transfert des survivants de la vieille planète mourante.
Pourtant les rescapés ne semblaient pas avoir appris beaucoup de leurs erreurs passées.
Tout revenait aujourd'hui à l'dentique. Les gens consommaient, se battaient, polluaient l'air et se fichaient de ceux qui suivraient.
C'est sur cet astéroïde que vivaient deux enfants... pas comme les autres.
Camille aimait les oiseaux.
Les rares espèces survivantes sur l'astéroïde étaient de petits oiseaux gris, déplumés, pauvres piafs qui s'époumonnaient à chanter sur des arbres artificiels, laids et sinistres.
Mais Camille avait un don. Elle dessinait à merveille. Des oiseaux fabuleux, colorés, tellement réels qu'ils prenaient vie sur le papier pour s'envoler dans sa chambre et se sauver parfois par une fenêtre ouverte.
Ainsi certains voyaient de temps à autre passer dans le ciel toujours gris des oiseaux flamboyants et se demandaient par quel miracle de si beaux spécimens étaient parvenus jusqu'à eux.
Camille cachait précieusement son don à son entourage, de peur qu'on ne l'empêche de continuer d'exercer son art.
Les enfants de l'astéroïde n'étaient pas censés créer. Les enfants "comme il faut" passaient leur temps devant leur écran 3D, à gober sagement ce qu'ils étaient censés assimiler pour survivre. Un vrai bourrage de crâne.
Arthur lui aimait les chats et la poésie.
Les chats étaient rares sur TERRA II, considérés comme des parasites inutiles à la nouvelle société des survivants.
Un viiel homme du voisinage qui s'était pris d'affection pour Arthur lui avait confié avant sa mort ses précieux ouvrages de poésie et son vieux chat Sacha, un chat miraculeux qui venait d'on ne sait où.
Arthur adorait le chat. Il passait son temps à l'observer, entre deux poêmes.
Arthur observait tout, marchait sans arrêt le nez en l'air, et savait comme personne retranscrire avec ses mots l'air du temps en de magnifiques poêmes qui auraient tiré des larmes au plus dur des durs.
Cependant, l'air du temps était bien gris.
Pourtant, en flânant le nez en l'air comme à son habitude, Arthur avait remarqué depuis quelques jours qu'il volait dans le quartier de nouveaux oiseaux incroyablement colorés, rien à voir avec les malheureux piafs déplumés que l'on croisait partout.
Il avait remarqué que les oiseaux venaient tous de la même direction et il décida un matin de remonter à l'origine de ce feu d'artifice de couleurs.
Les gens autour de lui ne s'en préoccupaient guère, pressés d'aller rejoindre leur poste de travail pour la journée, gris, le nez baissé, tristes et sans pensée.
Il arriva bien vite à une petite maison à l'écart des autres et vit sortir trois nouveaux spécimens colorés d'une fenêtre sur le côté.
Il passa la tête par l'ouverture et découvrit Camille en train de danser au milieu de ses oiseaux.
"Salut, moi c'est Arthur.
C'est joli ce que tu fais.
Ca me rappelle un chouette poême de Jacques Prévert qui parlait d'un oiseau-lyre. Tu connais ?"
Camille était extrèmement surprise de voir ce petit garçon (Arthur n'avait que 12 ans alors que Camille en avait déjà 14) qui s'intéressait à ses volatiles alors qu'habituellement, elle faisait tout pour être invisible et ne pas attirer l'attention.
Méfiante au début (ne serait-il pas un espion ? Ne risquait-elle pas d'être dénoncée pour ses activités ?), elle finit par le faire entrer, constatant qu'il était inoffensif et bienveillant.
Arthur observa la pièce dans laquelle Camille dessinait les oiseaux qui voletaient, il réfléchit, s'assit et se mit à écrire.
Une fois son poême terminé, il proposa à Camille de le lire.
Lorsqu'elle découvrit ce que ses dessins avaient inspiré, des larmes de joie roulaient sur ses joues.
Une idée lui vint aussitôt.
Elle proposa à Arthur d'inverser les rôles.
Qu'il lui décrive l'oiseau idéal et son environnement et elle transcrirait en dessin les mots du jeune homme.
Arthur trouva l'idée formidable et ils se mirent aussitôt à l'ouvrage.
Le résultat fut saisissant.
L'oiseau était magnifique et la pièce où il voletait était baignée de lumière et de verdure.
Arthur et Camille étaient épatés de ce qui était sorti de leur imagination et de leurs mains.
Si l'astéroïde dans son ensemble pouvait ressembler à ce petit bout de pièce.
Si on sortait enfin de cette grisaille et de cette tristesse.
Si on arrêtait de considérer la beauté de la nature comme inutile et superflue.
Leur projet était né.
Arthur et Camille allaient tout changer.
Refaire peu à peu un monde vert, bleu, jaune. Un monde tendre et heureux. Et tous ceux qui voudraient participer seraient les bienvenus.
Mais pour convaincre les autres, il fallait des arguments.
Pas question de forcer qui que ce soit mais plus question non plus de se cacher.
Pour changer le monde, il fallait faire du bruit, réveiller les consciences.
Alors Arthur et Camille, deux grands timides, frappèrent un grand coup.
Ils décidèrent de se rendre le Vendredi soir suivant sur la place B624 de leur zone de l'astéroïde.
Cette place était l'endroit où la plupart des habitants avaient le droit de se réunir une fois par semaine, après le travail, pour se retrouver, discuter, échanger.
Certes, les sujets abordés étaient plus que banals mais c'était un moment de détente très prisé des habitants.
Ainsi donc, ce Vendredi-là, les deux enfants s'étaient installés sur un des bancs de la place.
Arthur avait préparé plusieurs poêmes pour l'occasion.
Il commença doucement à les déclamer tandis que Camille dessinait des animaux, des arbres, des fleurs et bien sûr des oiseaux qui prenaient corps à mesure autour d'eux.
Au début, personne ne leur prêtait attention, à l'exception d'une vieille dame dont les oreilles furent accrochées par le texte d'Arthur.
Elle était déjà submergée de douceur à l'écoute de ces mots merveilleux. L'apothéose fut atteinte lorsqu'un oiseau couleur de l'arc-en-ciel s'éleva au dessus des deux enfants.
La petite dame lâcha sa canne et applaudit à tout rompre.
Certains tournèrent la tête vers ce point d'attraction et bientôt la place regorgeait de cris de joie, d'applaudissements et de rires au milieu d'une nature renaissante.
Les enfants avaient montré le chemin.
Tout restait encore à faire mais bientôt, enfin, l'astéroïde allait cesser d'être un bout de métal terne pour devenir une nouvelle planète, belle, respectée et sur laquelle on comprenait enfin à quoi tenait le bonheur.
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