Gaston, Daniel et Edouard menaient tous trois une vie tranquille à la ferme de la vieille Henriette.
L'endroit était paisible et les trois accolytes liés par une solide amitié passaient leurs journées ensemble, à rire et à jouer, pour le plus grand plaisir des autres habitants du lieu.
Pourtant, ce matin-là, l'endroit était étrangement calme.
Daniel, Edouard et Gaston , et tous les autres animaux s'étaient rassemblés dans l'étable pour tenir conseil.
Aurais-je omis de préciser que Daniel était un cochon, Edouard un canard et Gaston un dindon ?
L'erreur est réparée.
Ainsi donc, tout ce petit monde tenait conseil, au chaud et à l'abri du froid qui s'était abattu il y a quelques jours sur la région.
"Mauvais signe ça !", fit la vieille Adèle, la vache d'Henriette.
- Quoi donc ? demandèrent les autres.
- La camionnette de ce mécréant de Loriot est garée dans la cour de la ferme.
- Et alors ?
- Et alors ? Alors à chaque fois que ce boucher du diable fait son apparition chez nous quand le froid arrive, la mort rôde. Certains d'entre nous disparaissent pour ne jamais revenir.
- Comment ça, pour ne jamais revenir ?
- Le père Loriot est un boucher. Vous ne savez donc pas lire ? Là... sur la camionnette.
En effet, sur le véhicule stationné dans la cour, les lettres rouge sang éclataient sous le froid soleil du matin :
"BOUCHERIE-CHARCUTERIE LORIOT ET FILS.
SPECIALITES REGIONALES.
PRODUITS FRAIS TOUTE L'ANNEE"
Les animaux se pelotonnèrent au fond de l'étable quand ils virent sortir Loriot et la vieille Henriette.
"Alors c'est d'accord la mère Henriette. Je viens chercher les trois demain. Et d'ici là, vous me les soignez, d'accord ?"
- Oui, Oui, hihi, ricana la vieille en comptant pour la troisième fois la poignée de billets que venait de lui remettre le boucher.
- Au fait, tant que j'y suis mère Henriette, est-ce que je peux coller une affiche à l'entrée de votre ferme ?
- Oui oui, hihi, ricana de nouveau la vieille.
La camionnette sortit de la cour, s'arrêta quelques instants à l'entrée, avant de disparaître dans la fumée de son pot d'échappement défectueux.
La vieille Henriette avait regagné ses pénates et les animaux sortirent prudemment dans la cour puis à l'entrée de la ferme.
Là, on pouvait lire sur une affiche :
"REPAS DE NOËL
COCHONAILLE FOURREE AUX TRUFFES
CUISSES DE CANARD CONFITES
DINDE AUX MARRONS"
"La vieille Adèle avait raison", murmura Paulette la poule.
- Et bien on est fixés. On sait exactement qui va passer à la casserole cette année, marmonna le chat Mistigri qui passait là, en se lêchant méchamment les babines.
Les autres animaux s'éloignèrent de ce greffier renégat qui ne pensait qu'à son estomac.
A la nuit tombée, nouvelle réunion de crise dans l'étable.
" La chose est claire. Daniel, Gaston et Edouard, si vous ne pliez pas bagage illico presto, votre sort est réglé.
- Mais pour aller où ? glouglouta Gaston. On n'a jamais vécu ailleurs qu'ici. On ne connaît rien ni personne du monde de dehors.
- Allons, reprit la vieille Adèle, vous n'êtes pas seuls. Et puis vous risquerez toujours moins qu'en restant dans le coin."
Il fallait faire vite, avant que Mistigri n'aille alerter la vieille Henriette.
Les adieux furent rapides et simples.
Daniel, Gaston et Edouard décidèrent qu'ils devaient rester ensemble quoiqu'il arrive.
Un premier aperçu de ce qui les attendait s'annonça à la sortie du village.
La bande de Dick, le chien errant les attendait tous crocs dehors.
"Tiens, tiens, mais regardez qui va là...
- Oh la barbe, répondit Edouard.
- Alors mes tendrons, on fait un p'tit tour en ville ?"
Les chiens encerclaient les trois compères, paralysés par la peur.
Ils relevaient leurs babines férocement et se rapprochaient de plus en plus.
Daniel n'y tint plus et se cacha les yeux dans ses pattes.
Il était à genoux, offerts aux méchants crocs qui claquaient, ses deux amis collés à ses flans.
Il tremblait de tous ses membres, était pétrifié au point de ne plus pouvoir se contenir.
Une série de pets pétaradants retentit et emplit l'air d'une odeur étonnamment nauséabonde.
Le gros Dick qui avançait dangereusement ses dents sur le derrière dodu de Daniel fut aussitôt enveloppé dans un nuage d'une puanteur sans nom.
"Rha la vache, mais nom d'un chien, ça renarde velu ici. On dirait un champs de putois".
Il n'eut pas le temps d'en dire plus et perdit connaissance.
Un de ses accolytes voulut alors se rabattre sur les deux volatiles mais le troisième chien l'arrêta :
"Oublie ça. Ils se frottent au cochon. Leur viande est sûrement aussi pourrie. Mieux vaut décamper d'ici avant de finir empoisonnés".
ce qu'ils firent aussitôt, emportant sur leur dos le gros Dick encore dans les vapes.
Daniel qui n'avait rien vu de leur fuite préférait rester caché et ne voulait pas en plus faire face à l'humiliation.
Aussi ne comprit-il pas quand il entendit ses amis éclater de rire.
Risquant un oeil à la lumière, il eut le plaisir de constater que les molosses avaient détalé.
"Incroyable", s'exclama-t'il.
"Nous avons été sauvés par mes pets".
Les trois amis rirent de plus belle.
Ils trouvèrent un coin de bois bien caché pour finir tranquillement leur nuit à l'abri des prédateurs.
Le lendemain, ils se réveillèrent dans un sous-bois tout blanc. La neige avait commencé à tomber. L'hiver était là.
Vite, il fallait se mettre en route et ne pas rester immobiles dans ce terrible froid.
Ils cheminèrent à travers bois une bonne partie de la matinée. Plus question de se montrer sur la route. La mauvaise rencontre de la veille les avait échaudés.
Le soleil était haut dans le ciel quand ils décidèrent de faire une halte pour se reposer un peu.
Daniel se mit à fouiller dans la neige et les feuilles de son groin pour trouver pour lui et ses amis qualques glands, graines et racines qui pourraient les rassasier un peu.
La tâche n'était pas facile et il était si absorbé qu'il n'entendit pas les branches craquer derrière lui.
C'est seulement en entendant des voix humaines et en voyant ses deux amis immobiles, comme hypnotisés, qu'il arrêta sa fouille.
Deux chasseurs se tenaient là, devant eux.
C'était Théodule et Léon, deux voisins du village d'en bas qui s'étaient mis en quête ce jour-là de la proie qui serait leur plat de fête pour le réveillon.
"Boudiou mon Théodule", fit Léon, "vois-tu bien c'que j'vois là ? Not' réveillon est fin prêt à c'qui semble. Active ta carabine qu'on n'en râte aucun".
Théodule hésitait.
- Dis-donc mon Léon, t'as-tu entendu qu'des bêtes avaient disparu de la ferme du gros Louis à hier ?
- Ben voui mais j'vois pas le rapport.
- Ben le rapport c'est que si c'est là les bêtes du gros Louis qu'on voit, y fera pas ben qu'il apprenne qu'on lui a zigouillé sa volaille et sa cochonaille. et moi, j'ai pas ben envie de me frotter au gros Louis.
- T'as ptêt raison mon Théodule. dans ce cas vaut ptêt mieux y ramener son bétail au gros Louis. Et si ça se trouve, y nous récompensera bien pour nos efforts.
- Posons les fusils Léon et approchons doucement".
Daniel, Edouard et Gaston avaient bien compris ce qui se tramait et ils avaient l'intention de vendre bien cher leur peau et de rester groupés comme ils l'avaient convenu.
Les chasseurs s'étaient à peine avancés que le dindon gonflait déjà ses plumes d'un air menaçant, le cochon baissait la tête très en colère et prêt à mordre et le canard commença à souffler violemment comme il avait vu faire les oies de la ferme de la mère Henriette.
Cela impressionna moins les chasseurs que les coups de bec, les pinçons, les morsures et les volées de plumes qu'ils reçurent à peine avaient-ils posé la main sur les trois amis.
Une bataille incroyable s'engagea dans laquelle les trois animaux s'étaient plongés avec une telle hargne que les chasseurs n'eurent pas d'autre solution que fuir en laissant sur place leurs fusils.
Nos trois compères les enterrèrent avec soin afin que les humains ne remettent pas la main dessus avant qu'ils soient loin.
Ils se remirent en route et marchèrent de nouveau jusqu'à la nuit tombante sans faire de nouvelle rencontre.
Ils avaient avancé si loin que le bois avait disparu laissant place à une lande dégagée et déserte puis à du sable, puis à la mer qu'ils n'avaient jamais vue et qui faisait tant de bruit.
Sans en avoir habité très loin, ils n'avaient pourtant jamais vu d'endroit comme celui-là.
Mais la fatigue l'emportait sur l'étonnement et tout ce qu'ils souhaitaient maintenant, c'était trouver un endroit où se cacher et s'abriter pour la nuit.
Edouard remarqua au loin sur la plage une sorte d'abri en bois.
C'était une barque à moitié bâchée qui restait là, seule, plantée sur ce désert.
Ils grimpèrent tous trois tant bien que mal dans l'embarcation, tirèrent avec becs et groin sur la bâche et s'endormirent , bercés par le bruit des vagues, abrités de la neige et du vent, paisibles enfin.
Au matin, c'est à nouveau le son du ressac qui les tira de leur sommeil.
Ca, et un léger roulis qui les rendait vaguement nauséeux.
Ils ne s'en étaient pas aperçus la veille, tant leur longue marche les avait épuisés, mais il semble que cette vieille barque n'était pas très stable.
Qu'importe, elle leur avait offert un abri bien confortable pour la nuit.
Gaston le premier voulut passer la tête hors de la bâche. Quelle ne fut pas sa surprise en constatant que la barque était entourée d'eau, pire flottait sur l'eau, pire encore tanguait dangereusement sur cette eau bien tumultueuse alors qu'on ne voyait plus qu'un petit bout de terre à l'horizon.
Catastrophe ! La barque n'était pas attachée et avait dérivé dans la nuit, emportée par la marée.
Les trois amis étaient terrifiés et ne savaient vraiment plus quoi faire pour se tirer de cette situation bien délicate.
La barque approchait dangereusement des gros rochers qui surgissaient de la mer.
Au-dessus d'eux, une longue batisse tout en hauteur, rouge et blanche, trônait au milieu de l'océan.
Un abri d'hommes. Au milieu de nulle part.
C'était leur dernière chance de ne pas mourir au milieu des flots déchaînés ou fracassés sur ces énormes rocs épineux.
Le dindon se mit à glouglouter, le canard à cancanner et le cochon à grogner, tentant de faire plus chahut que les vagues qui s'écrasaient.
Le gardien de phare (car c'était bien un phare) crut qu'il avait la berlue et associa les cris qu'il percevait à de mauvais restes de la bouteille de rhum qu'il avait vidée la veille au soir, pour oublier cette solitude qui lui pesait tant.
Mais les bruits persistaient, tant et si bien qu'il fit le tour du phare et roula des yeux bien ronds devant les trois animaux qui s'époumonnaient sur cette barque.
Sans réfléchir, il attrapa l'ancre de secours attachée au pied du phare, la jeta sur la barque et tira le canot vers le bord le moins escarpé.
Il sortit de justesse les animaux de leur embarcation avant qu'une lame plus grosse que les autres s'abbatte sur le petit radeau et le fasse éclater en mille morceaux.
"Et ben mes cochons, vous avez eu chaud aux ailes" s'exclama le vieux loup de mer.
"Nom d'une morue salée, je sais bien que la solitude me pèse mais là, je me demande tout de même si je ne devrais pas freiner un peu sur le rhum.
Un cochon, un dindon et un canard qui accostent en canot, c'est diablement étrange, par la barbe de Poséidon !"
Daniel, Gaston et Edouard n'en menaient pas large sur ce bout de caillou.
Nulle part où aller.
Et un humain avec eux.
Et plus de canot pour s'enfuir.
"Daniel, glouglouta Gaston, on est fichus là, pas vrai ?
- Je sais pas si on est fichus, grogna Daniel, mais on vendra cher notre couenne et nos plumes. On a affronté des chiens enragés, des chasseurs armés, une mer déchaînée et on s'en est sortis ensemble. Alors c'est pas ce petit bonhomme bizarre qui parle tout seul qui va nous arrêter".
Ils commencèrent à montrer dents , becs et plumes et tout ce qui pouvait faire peur.
"Nom d'un hareng désséché, m'est avis que la causette au coin du feu n'est pas pour tout de suite. Mais j'ai ma lanterne à surveiller. Par ce temps de cachalot, c'est pas le moment de tomber en câle sêche. Je laisse la porte ouverte. Vous finirez bien par venir vous réchauffer à l'intérieur."
Aussitôt dit, aussitôt fait. Le gardien monta à sa lanterne et les trois compères restèrent seuls.
"Ah ah ! Il a peur, le lâche !"
- Tu crois ? J'ai pas l'impression qu'il ait vraiment l'air effrayé. Il a pas l'air méchant non plus.
- La vieille Henriette non plus n'avait pas l'air méchant. Ca ne l'empêché de vouloir nous traîner chez le boucher".
De grosses vagues venaient s'écraser contre le phare. de plus en plus lourdes et froides. Les trois compères après maintes hésitations décidèrent d'entrer dans le phare. Alors qu'ils allaient se réfugier au fond de la pièce, le vieux gardien redescendait.
"Ah, ça y est , vous vous êtes décidés. Vous avez bien fait, parce que dehors, c'est une tempête de tous les diables qui se prépare. Ca va être une sacrée nuit de Noël, je vous le dis".
Sur ce , il claqua la porte.
"Bougez pas de là, je reviens avec ce qu'il faut".
Le gardien remonta.
Edouard grelottait autant d'effroi que de froid :
"Bon sang les gars, c'est cuit. Il vient de dire que Noël c'est cette nuit et nous voilà enfermés. Adieu mes amis, j'ai été fier d'être des vôtres".
Le gardien revint en chantonnant.
Il tenait un énorme couteau, qu'il faisait sauter d'une main à l'autre en souriant.
"Vous ne pouvez pas savoir comme vous êtes bien tombés".
"Cette fois c'est fini les amis", couina Daniel, "je vous ai aimés comme des frères".
Le gardien les regardait maintenant en riant. dehors, la tempête battait son plein.
"J'aurais souhaité une autre fin mais là, on a fait tout ce qu'on a pu. Nous resterons frères au-delà de la mort", ajouta Gaston.
L'homme s'avança dans la pièce, leva le couteau et éventra... un énorme sac de pommes qu'il gardait là.
Il passa ensuite à un sac de graines de tournesol stocké juste à côté.
Les trois amis le regardait éberlués.
"Voilà des semaines que je me demande ce que je pourrais faire de ces fichues pommes et de ces graines. Je ne comprends toujours pas pourquoi on a amené tout ça au phare, surtout que je n'aime que le poisson. Mais là, je crois qu'on va pouvoir se faire un fameux réveillon les amis".
Il repartit cherche sa pitance et des couverture pour les trois bêtes et lui-même.
Ce fut finalement un merveilleux repas de Noël.
lundi 12 décembre 2011
lundi 28 novembre 2011
HISTOIRES COURTES
Bacchus
Bacchus avait, suite à une malformation de naissance, une ridicule petite main droite : c'est pour cette raison qu'il inventa les verres à pied, sinon, comment aurait-il pû boire un coup ?
LES CHATS
Si les chats se prélassent le soir sur les terrasses, c'est moins pour lambiner que pour guetter leur déjeuner.
LES CHATS II
Si les gros matous baratinent les p'tites souris, c'est pour en faire leur biscuit.
PETER PAN
Si Peter Pan raconte de belles histoires, c'est pour emballer les p'tites sirènes.
lundi 7 novembre 2011
Zistoire Zordinaire : la baleine
(cette histoire était racontée par Jean-Claude LEGROS, conteur Réunionnais, dans l'émission PAS LA PEINE DE CRIER, sur France Culture).
Aujourd'hui, il n'y a pas de baleine.
Aujourd'hui, il n'y a pas de baleine.
Qui m'a raconté cette histoire ?
Je ne sais plus. J'ai oublié.
Quand est-ce arrivé ?
Je ne sais plus. J'ai oublié.
Mais je sais que ça remonte au temps de Gulliver, tu sais, celui qui est allé chez les Lilliputiens.
Et bien Gulliver avait fait de grands voyages et un jour il est arrivé sur une île.
C'était la Réunion.Mais la Réunion d'il y a longtemps longtemps.
Il y a si longtemps que le pays s'appelait alors Gondwana.
En ce temps-là, on disait que la Réunion était une île déserte.
Mais qu'est-ce qu'on y connaissait vraiment ? Qui s'y était vraiment rendu pour pouvoir dire ça ?
En tous cas, d'après Gulliver, il y a longtemps longtemps, la Réunion était habitée. Et c'était un paradis. Un paradis pour de bon. Il y vivait bien du monde.
Des gens vieux. Qui vivaient longtemps. Et tous ces vieux insulaires vivaient heureux.
Ils étaient tellement heureux qu'ils auraient voulu vivre encore plus vieux.
Et comment pouvaient-ils vivre encore plus vieux ?
En économisant leur souffle.
Et pour économiser son souffle, il n'existe qu'une manière : arrêter de causer.
Un soir qu'elles étaient réunies, une vieille dit aux autres :
"eh la marmaille ! "(elle parlait de marmaille mais celles qui l'écoutaient étaient déjà bien vieilles). "marmaille, je vais dire quelque chose : vous causez trop".
Juste ça, pour moi, ça prouve bien que cette histoire se passait à la Réunion. Les gens y parlent trop.
La vieille l'a répété :
"vous causez trop".
Alors une jeune vieille (!) proposa :
"on va arrêter de causer, comme ça on va économiser notre souffle, et comme ça, on va vivre encore plus vieux".
Une autre vieille leva la main :
"mais tu perds la tête ma fille. Si on arrête de causer, comment on va faire pour se comprendre ?"
Personne ne répondit rien pendant un moment puis une autre vieille leva la main pour parler.
"Moi là, j'ai une autre idée. Si au lieu de causer, on remplaçait le mot en montrant la chose qu'on veut exprimer ? on n'aurait plus besoin de parler. C'est la chose qu'on montre qui parlerait pour nous.
- Mais quelles choses tu veux montrer pour arrêter de causer ?"
La grand-mère expliqua :
"Au lieu de dire le mot, tu attrapes la chose en vrai.
Par exemple, si je veux dire SOULIER, j'attrape le soulier pour vous le montrer. Et vous autres, vous allez comprendre que je veux dire SOULIER. Comme ça, j'économise mon souffle et je vivrai plus longtemps".
Un vieille femme dit :
"Si je comprends bien, si je veux dire MANGUE, j'attrape une mangue et je vous la montre. Mais c'est bien ça. Mais où je vais trouver toutes les choses que je veux dire ?
- C'est simple ! Il suffit de mettre dans un grand sac toutes les choses que tu veux dire. La bouteille, le sable, du piment, n'importe quoi.
Tu veux dire BOUTEILLE ? Tu attrapes la bouteille dans ton sac.
Tu veux dire PIMENT ? Tu attrapes un piment.
Tu veux dire SABLE ? Tu attrapes une poignée de sable dans ton sac.
Comme ça, on n'a plus besoin de causer, on économise notre souffle et on vivra encore plus vieux".
Tout le monde trouve l'idée excellente.
Il n'y en a pas un dans l'assistance pour se demander si porter un grand sac sur ses épaules n'est pas plus fatigant que parler.
Même si on doit traîner le sac par terre.
Non tout le monde trouve l'idée excellente et ils commencent tous à coudre de grands sacs.
Le travail est déjà bien avancé quen une vieille pose son aiguille pour dire :
"Oui, c'est bien beau tout ça les enfants, mais si je vois une baleine dans la mer, comment je vais vous le dire ?
Je ne peux quand même pas sortir une baleine de mon sac !".
"Ca c'est vrai", dit une autre. "A plus forte raison si je veux dire qu'il y a douze baleines dans la mer".
Personne ne peut rien répondre.
Tout le monde reste là, sans voix.
Alors la première femme qui avait parlé se lève pour dire :
" Mais c'est facile ça ! Il suffit de mettre des petits objets miniatures dans notre sac. Comme ça, si je veux dire BALEINE, j'attrape une petite baleine en plastique".
Tout le monde était content et les femmes se remirent à coudre les sacs.
Mais une autre se lève et dit :
"C'est vrai, on peut mettre un paquet de petits jouets en plastique dans notre sac. Mais il y a quand même un problème. Si un jour il n'y a PAS de baleine dans la mer. Comment je fais pour vous le dire ?
Si je vous montre un sac vide , comment allez-vous comprendre que ça veut dire AUJOURD'HUI IL N'Y A PAS DE BALEINE ?"
Cette remarque déprima tout le monde.
On arrêta de coudre, on arrêta de causer.
Cette affaire les tracassait. Où étaient passés les bans de baleines ?
....
C'est pour cela qu'aujourd'hui ancore, quand ils passent en voiture sur la route de la corniche, les Réunionnais passent leur temps à guetter les baleines dans la mer.
Et quand ils voient une baleine dans la mer, ils attrapent une petite baleine en plastique dans leur sac pour montrer à tout le monde par la vitre.
Et toutes les voitures s'arrêtent pour guetter la baleine. Et c'est pour ça qu'il y a des embouteillages.
N'empêche, c'est pas pour autant que les gens arrêtent de causer.
Toute la journée ils causent.
Ils causent même quand ils n'ont rien à dire.
Ecoute la radio, tu vas comprendre.
dimanche 6 novembre 2011
L'étourderie
Une adaptation très libre d'un morceau du nouvel album de Camille ILO VEYOU (recommandé chaudement par la maison)
samedi 8 octobre 2011
Julietta
Julietta était une petite fille calme et timide. Aussi ne pouvait-elle rien faire d'autre que rester immobile et ouvrir de grands yeux, face à l'effroyable Monsieur Lucien, l'épicier du village, qui hurlait et s'époumonait, accusant la petite fille d'avoir renversé cette pile de boîtes de tomates au jus.
Les personnes présentes dans la boutique commençaient à protester,
... sachant pertinemment que ce n'était pas un enfant de la taille de Julietta qui avait pu faire cela,
... sachant que la pile de conserves tenait un équilibre très précaire,
... sachant enfin et surtout que la petite Julietta aurait pu être gravement blessée.
Au milieu de ce chaos sonore et rouge de tomates, Julietta se tenait immobile et silencieuse. Et tout à coup, le silence envahit tout.
Même l'horrible Monsieur Lucien avait le sifflet coupé.
Il faut dire qu'il venait de lui pousser sur la tête, au milieu de son unique mêche de cheveux, un magnifique pissenlit, jaune soleil, avec de très belles feuilles.
Les badauds autour étaient ébahis.
Le déconfit Monsieur Lucien paniquait :
oh non ! Pas lui ! Pas à son tour !
C'était effectivement un phénomène que l'on avait déjà observé dans le village à deux ou trois occasions, durant ces derniers jours.
Ainsi, la vieille institutrice acariâtre se promenait maintenant avec un bouquet d'orties sur le chef, lui rappelant combien cette plante pouvait être irritante et comme il était méchant d'en attraper une branche pour fouetter les jambes des enfants qui ne savaient pas résoudre un exercice de mathématiques.
Alfred Grasmuta, le voisin des parents de Julietta, qui avait la fâcheuse habitude de se promener en débardeur et de se gratter les dessous de bras avait vu pousser au creux de son aisselle de fort jolies branches d'églantier, dont les fruits portent si bien le surnom de "poil à gratter".
Cela donnait enfin à ce triste sire une bonne raison de s'adonner à son vice du grattage.
Il était maintenant tellement occupé à soigner ses démangeaisons qu'il ne perdait plus de temps à jeter des cannettes de bière vides et des insultes aux malheureux enfants qui osaient passer devant sa maison (ce qui, il faut bien l'avouer, est très problématique quand il s'agit de votre voisin et qu'on est bien obligé de prendre ce chemin pour rentrer chez soi).
Toute personne un tant soit peu observatrice etprésente lors de ces divers événements aurait pu remarquer qu'à chaque fois, Julietta était présente.
Et plus encore, Julietta avait été la victime des attaque de ces méchants.
Cette même personne très observatrice aurait pu également remarquer que le début des incidents décrits précédemment coïncidait exactement avec le début de la transformation du jardin des parents de Julietta.
En effet, ce jardin auparavant assez banal s'était métamorphosé en un magnifique parc.
Les couleurs des fleurs explosaient aux yeux des passants, des espèces rares se développaient incroyablement, dans cette région où le climat était loin d'être propice aux plantes exotiques.
Pour le plus grand étonnement des habitants de cette demeure.
Le papa de Julietta n'était pas un as du jardinage et sa maman avait beau adorer les plantes, elle n'avait malheureusement pas la main verte et ses tentatives de plantation étaient souvent vouées à l'échec.
Ce qui étonnait le plus la mère de la petite fille était la variété des plantes qui poussaient désormais avec volupté sur leur terrain. On trouvait toutes sortes d'espèces qu'elle avait pu un jour évoquer ou admirer devant sa petite Julietta.
Voici comment tout avait commencé quelques jours plus tôt.
Julietta révait gentiment dans le jardin tandis que le chat chassait les papillons sur la pelouse.
Puis le minou passa des papillons au seul petit buisson du jardin et se mit à tourner autour en grognant.
Quand Julietta s'approcha du buisson, elle aperçut, caché dans ses branches, un minuscule lutin tout tremblotant.
"Aide-moi s'il te plaît. cet affreux matou va me croquer.
- mais non, il veut juste jouer.
- Jouer, jouer... tu as vu ses griffes ?
-Que fais-tu là ?
- Je suis le lutin de ton jardin. Il y en a un dans chaque jardin. Je suis ici pour aider les plantes à pousser mais rien à faire, ton chat m'empêche sans arrêt de faire mon travail. Et là, je ne peux même pas m'enfuir.
- D'accord, je vais t'aider. ne bouge pas de là.
- peuh... ça risque pas !".
Julietta attrapa le chat et le força à s'éloigner, malgré les protestations évidentes de ce dernier.
Puis elle revint au buisson.
"Sors-moi de là s'il te plaît.
-Il faut attendre. Le voisin, Monsieur Grasmuta est encore dehors à boire de la bière".
Le gras Alfred grasmuta fixait justement Julietta et lui lança :
"Quest-ce que tu mijotes encore toi ? Ne t'avise pas de passer sur mon trottoir où il t'en cuira".
Julietta haussa les épaules puis alla chercher l'arrosoir.
Elle le remplit d'eau et alla d'abors arroser la petite fleur dans le pot.
"C'est pas comme ça que ça va pousser", hurla Grasmuta, "z'êtes vraiment pas doués dans cette bicoque".
Julietta haussa de nouveau les épaules, retourna remplir l'arrosoir et se dirigea vers le buisson où était caché le lutin.
Elle chuchota, en prenant bien soin de ne pas mouiller le petit bonhomme :
"dès que l'arrosoir sera vide, saute vite dedans".
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Julietta demandé tout bas :
"Où veus-tu que je te dépose ?"
Grasmuta de son côté se remit à maugréer :
"Et en plus la gamine parle toute seule. Vraiment une maison de cinglés".
Julietta haussa une nouvelle fois les épaules et se dirigea derrière la maison en tenant fermement son arrosoir.
Elle demanda de nouveau au lutin :
"Bon alors, où veux-tu que je te dépose ?
-Passe l'arrosoir derrière le buisson de ronces au fond du jardin".
Lorsque Julietta souleva l'arrosoir au dessus des branches pour déposer son passager, celui-ci bondit sur son épaule et lui susurra à l'oreille :
"Tu m'as sauvé la vie. Pour te remercier, je te donne le don de faire pousser ce que tu veux, comme tu veux, quand tu veux, où tu veux. ce don disparaîtra dès lors qu'il sera découvert. Adieu, et encore merci".
Sur ces paroles, le lutin bondit dans les ronces et disparut.
Au début, Julietta ne comprit pas le sens des paroles du petit homme.
"Faire pousser ce que je veux. Comme je veux. Quand je veux. Où je veux.
Faire pousser quoi ? les cheveux ? les tomates ?"
A peine eut-elle prononcé ces mots qu'un magnifique plant de tomates apparut sous ses pieds, se dressa jusqu'à sa tête et d'énormes pommes d'amour rebondissaient au bout de chaque branche.
Incroyable.
Julietta voulut faire un autre essai.
Elle tenta sa chance avec le pot de fleurs près de la maison : celui où une seule et pauvre malheureuse peite fleur luttait pour ne pas se flétrir.
A peine Julietta en eut-elle émis le souhait que le pot s'emplit des fleurs magnifiques et d'un feuillage qui débordait de tous côtés.
Grasmuta, qui l'avait aperçue en train d'arroser la plante et qui voyait maintenant la transformation s'approcha de la haie qui séparait les deux maisons.
"Ah ben ça alors ! Dis-donc, t'as utilisé quoi comme engrais chimique ? Encore un truc qui va tous nous empoisonner.
En plus la gamine est une empoisonneuse. Non mais quelle maison de cinglés".
Julietta, pour toute réponse, haussa les épaules et rentra chez elle.
Dans les nuits qui suivirent, elle s'attaqua à la transformation du jardin de ses parents. Bien que Julietta procéda par petites touches, pour que la mutation en soit pas trop brutale, le résultat n'en restait pas moins spectaculaire.
Et le gros voisin Grasmuta ne cessait de faire des commentaires désobligeants.
"Non mais vous avez vu ça ? E d'où qu'ils sortent l'argent pour toutes ces plantes ? Et qui entretient tout ça ? Qu'est-ce que c'est que ces magouilles ?
Et ces machins exotiques, on a le droit de planter ça ?"
Il criait et gesticulait tant et si fort qu'un soir, Julietta en eut assez.
"Oh là là ! celui-là ! S'il passait plus de temps à se gratter sous les bras, il nous ficherait un peu la paix".
Et hop ! Aussitôt une branche d'églantier (et oui ! le poil à gratter !) poussa sous un des bras d'Alfred Grasmuta.
Pris de panique, il fonça à l'hopital où assurément on n'avait jamais vu ça. Et bien sûr, on ne pouvait rien faire sauf lui poser une petite atèle entre le bras et le torse pour que les branches épineuses ne l'écorchent pas.
"Ca alors !", songeait Julietta. "Je n'avais pas pensé à ça."
Elle était néanmoins bien ennuyée. Il n'était pas dans sa nature de faire du mal aux gens.
Reconnaissons toutefois les bienfaits de cet incident.
Grasmuta se calfeutra chez lui et cessa durant quelques jours de persécuter les passants et les voisins.
Il n'avait cependant pas dit son dernier mot.
Il ye avait en effet à l'entrée du village un supermarché spécialisé dans le commerce de plantes.
De pauvres et vilaines plantes, génétiquement modifiées, dont on ne pouvait même pas récupérer les graines, dont les feuilles se desséchaient au bout d'une semaine, dont on ne pouvait tirer aucun fruit.
mais ce supermarché des plantes étiat le seul à des kilomètres à la ronde.
On ne pouvait éviter de passer par lui et on devait revenir puisque les plantes ne repoussaient jamais.
Une vraie escroquerie.
Grasmuta, qui connaissait le patron de ce magasin, contacta ce dernier pour lui parler du jardin de ses voisins.
C'est ainsi qu'un beau matin, un agent de police vint sonner chez les parents de Julietta, accompagné du Directeur du magasin A LA GRASSE DES PLANTES (ce directeur était très mauvais en orthographe, et encore plus mauvais en jeux de mots).
La maman de Julietta ouvrit poliment la porte :
"Bonjour Madame, dit l'agent
- Bonjour Monsieur l'agent. Et Monsieur ?
- Monsieur Malplant, répondit le grand bonhomme qui accompagnait l'agent.
- Que puis-je pour vous Messieurs ?
- Vous pouvez me rendre toutes les plantes que vous avez volées dans mon magasin, hurla le grand Monsieur avant que l'agent ait pu ouvrir la bouche.
- Quelles plantes ? Quel magasin ?
-Là, votre jardin ! Toutes ces plantes là ! Vous ne les aviez pas il y a encore une semaine. Je le sais. votre voisin me l'a dit. Voues les avez volées à LA GRASSE DES PLANTES, mon magasin, hurla de nouveau le grand échalas.
-Vous plaisantez j'espère. J'ai toujours eu ces plantes chez moi. Il est vrai que depuis une semaine, elles poussent miraculeusement mais je n'ai rien volé.
-Vous mentez, reprit Malplant.
-Monsieur l'agent, implora la maman de Julietta, nous sommes honnêtes.
Monsieur l'agent répondit :
-Peut-être y a-t'il un moyen de prouver que ces plantes sont à vous. Avez-vous des photos plus anciennes de votre jardin où l'on pourrait les apercevoir ?"
Ainsi allait la discussion que Julietta avait surprise alors qu'elle se préparait pour aller à l'école.
Elle décida d'arranger rapidement les choses.
Ainsi, en partant, son cartable sur le dos, elle s'arrêta devant chaque maison pour administrer aux plantes le même traitement qu'au jardin de ses parents.
Sauf... chez Grasmuta.
Le quartier gagna ce matin-là des couleurs extraordinaires, la végatations'étalait partout, des milliers de fleursrépandaient un parfum merveilleux.
Sauf... chez Grasmuta.
Chez Grasmuta, Julietta avait fait pousser un énorme paquet de ronces sans fruits, à feuilles grises, à épines pointues, qui bloquaient son allée.
Le gros voisin était si occupé à espionner avec une paire de jumelles ce qui se passait chez les parents de Julietta qu'il ne se rendit même pas compte de ce qui arrivait alentour.
Quand la maman de Julietta raccompagna Monsieur l'agent et l'affreux Malplant, quelle ne fut pas leur surprise devant la transformation du quartier.
La maman de Julietta s'exclama :
"Vous voyez. Les plantes poussent partout.
-Des voleurs, ce sont tous des voleurs", hurla Malplant.
- Ah ça suffit Malplant", tonna Monsieur l'agent."je considère l'affaire close. Et nous vous présentons toutes nos excuses Madame Doujardine (ainsi s'appelaient les parents de Julietta. Doujardine, ça ne s'invente pas).
"-Mais...mais...mais..." piaffait Malplant.
"- Ah ça suffit Malplant", retonna Monsieur l'agent."Ou je vous fais arrêter pour faux témoignage".
Grasmuta qui espionnait de l'autre côté de la haie n'en revenait pas.
Il était furieux que son plan ait échoué.
Le même soir, lorsque Julietta revint chez elle, les habitants du quartier étaient tous joyeux, sortaient dans la rue pour se parler, commenter les beautés qui les entouraient.
Julietta était très fière de ces changements.
Sa maman l'attendait à la maison et l'invita à venir s'assoir avec elle.
"-Tu as vu comme tout est joli et fleuri maintenant ?
- Oui, répondit Julietta, j'adore.
-C'est tout de même étrange de voir mes plantes préférées pousser ainsi.
- Moi je ne trouve pas ça bizarre, répondit Julietta. Ca prouve juste que la nature t'aime beaucoup.
-Et elle aime aussi les gens que j'apprécie. en revanche, Dame Nature ne semble pas porter grande estime à Monsieur Grasmuta. C'est étonnant non ?
-Méchant comme il est, moi ça ne m'étonne pas du tout, grommela Julietta.
-Dame Nature fait aussi des tours bizarres à des personnes pas très sympathiques ces derniers temps. comme Monsieur Lucien, notre épicier".
Julietta ne répondit rien. Elle se contentait de regarder droit devant elle.
madame Doujardine reprit :
"Tu sais, quand j'avais ton âge, j'avais découvert dans notre jardin un merveilleux petit bonhomme. Un lutin des jardins. Je l'avais délivré d'une grosse toile d'araignée où il s'était empêtré et pour me remercier, il..."
- Oh non ! Maman, mon secret...
- Je suis désolée Julietta, cela devait arriver".
Aussitôt, les branches d'églantier disparurent des aisselles de Grasmuta, les orties de la tête de la vieille institutrice acariâtre, les pissenlits du crâne de Monsieur Lucien. A leur grand soulagement.
Néanmoins, ils prirent bien soin de ne plus s'emporter comme auparavant auprès de leurs semblables, de crainte que la malédiction ne revienne.
ce dernier point ne concernait évidemment pas l'incorrigible Grasmuta. Mais celui-ci était désormais tellement occupé à tailler la ronce géante qui envahissait son jardin qu'il n'avait plus trop de temps à consacrer aux imprudents qui auraient osé piétiner son trottoir.
Ce qui n'arrivait d'ailleurs que très rarement, car c'était la seule maison du quartier où il n'y avait pas de jardin merveilleux à admirer.
Dame Nature avait pris soin de laisser vivre partout alentour les merveilleuses plantations tout droit sorties de l'imagination de notre petite Julietta.
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